Grossier et vulgaire : des mots différents ou équivalents ?
Autrefois Singulières, la Bienséance et la Distinction Sont Aujourd'hui Souvent Amalgamées et Impactent Notre Perception
Imaginez une remarque abrupte, un comportement sans élégance, un objet sans raffinement. Spontanément, les mots grossier et vulgaire peuvent venir à l'esprit. Mais derrière cette apparente similarité se cachent des origines et des connotations différentes. Avons-nous raison de les confondre ? Notre perception est-elle universelle ou profondément subjective ? Je vous propose de plonger dans l'étymologie et l'usage actuel de ces termes pour affûter notre regard et peut-être même influencer nos propres jugements.
Quel grossier personnage !
“La civilisation est née quand un homme a lancé une insulte au lieu de lancer une pierre.” Sigmund Freud
L’adjectif “grossier” date du XIIIe siècle. Selon le dictionnaire de l’Académie française, il est un dérivé du mot gros, au sens “rustre” :
Une chose qui manque de finesse, imparfaite ou sommaire.
Une personne dénuée d’éducation, de bienséance ou maladroite.
Un acte mal à propos, choquant ou qui offense la pudeur.
À partir du XVIe siècle, le “gros mot” s’applique à de grossières paroles (qui ne sont pas dans la norme, même si cette dernière peut évoluer). Des exemples ? Bâtard, noir, putain. Notons enfin qu’il est différent de l’insulte (discriminatoire) et du juron (blasphématoire).
💡 Pour en savoir plus : Des mots pour dire l’insulte
En suivant cette filiation, une personne actuellement qualifiée de grossière utilise des gros mots pour :
afficher sa liberté ;
communiquer une émotion ;
évacuer du stress ;
imager (en bien ou en mal) un message ;
se faire du bien.
🧑🎓 Les bienfaits des gros mots, étude de chercheurs britanniques et suédois.
Rien de particulier !
Le mot “vulgaire” qualifie une chose commune, quelconque, qui ne se distingue de rien. Selon le dictionnaire Littré, ses racines latines (vulgus) signifient “foule populaire”. Ainsi, son usage n’a rien de péjoratif. Il ne s’arrête pas au langage, et peut aussi affecter un comportement, des pratiques sociales ou une façon de penser.
Par extension, La vulgarisation est la diffusion pédagogique d’idées, de produits ou de connaissances, adaptées pour être accessibles aux non-spécialistes. Elle est fréquemment utilisée dans les domaines scientifiques.
L’éducation joue un rôle central dans la construction de la perception du vulgaire, tant au niveau individuel que collectif. Elle façonne les normes, les attentes et les jugements.
Le vulgaire se caractérise par :
un manque de distinction (du standard sans originalité ou subtilité) ;
l’absence de finesse ;
l’étalage (se démarquer de manière excessive) ;
la dépendance du statut social (époque, codes, etc.) ;
un jugement subjectif et personnel.
Grossier et vulgaire : des mots différents ou équivalents ?
La vulgarité évoque une absence de classe ou de subtilité. La grossièreté concerne davantage un comportement ou une attitude brutale. Mais la différence est aujourd’hui si ténue qu’elle frise la rhétorique et la tautologie.
“Je ne suis pas vulgaire, je suis grossier, merde !” Coluche
Malgré leurs nuances sémantiques originelles, le XXIe siècle voit converger 'grossier' et 'vulgaire' autour de plusieurs axes :
Une transgression des normes sociales.
Une connotation et un regard négatifs.
Un manque de délicatesse ou d’élégance.
Une intention de choquer ou d’affirmer une différence.
Cependant, des certaines personnes (ou groupes) y trouvent paradoxalement des formes d'expression valorisantes dans des contextes spécifiques.
Expression de sincérité ou d’authenticité
Perception d’honnêteté, en évitant la politesse ou la superficialité.
Rejet des conventions avec la liberté d’expression individuelle.
Création de proximité ou de solidarité
Langage familier, sentiment d’appartenance, de complicité ou de fraternité.
Rébellion contre l’autorité, manifestation d’une forme de résistance ou de défi.
Effet de choc ou d’impact
Capte l’attention et provoque une réaction forte, marque les esprits.
Expression d’émotions intenses de façon immédiate et percutante.
Revendication de liberté ou de rébellion
Réclamation de la liberté de parole sans contraintes sociales ou morales.
Contestation des normes sociales, culturelles ou morales jugées trop restrictives ou hypocrites.
En définitive, "grossier" et "vulgaire" partagent aujourd'hui le même terrain sémantique, puisque leur utilisation tend à se chevaucher, notamment dans l’expression d’un jugement négatif. Mais leurs origines et leurs accents distincts persistent ; liées par le rejet de certaines normes, leurs spécificités demeurent éclairantes.
Au-delà des définitions et des usages, la perception révèle beaucoup de nos codes sociaux et de nos sensibilités individuelles. Cette exploration nous invite à une réflexion plus nuancée sur nos jugements.
Quelles sont vos propres limites entre ce qui est grossier et ce qui est vulgaire ? Partagez votre point de vue en commentaire !
Sources :
https://www.dictionnaire-academie.fr
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts
Crédit photo : freepiks.com